CACOCHYM BLUES
Une vieille femme tordue
sur le trottoir
je n’sais pas je n’sais plus
si c’était le soir
où l’aube quand j’l’ai vue
l’air était tellement noir
qu’en y passant les yeux dessus
ça salissait toute la mémoire
elle était sur la terre rompue
à pleurnicher dans son mouchoir
y’avait de la boue dans les nues
elle avait cassé son miroir
de chance elle n’aurait jamais plus
fallait la cacher au mouroir
la vieille avec sa chair cornue
y’avait plus d’dents dans sa mâchoire
plus qu’des purées ou des jus
elle avait l’crâne comme une bouilloire
tous ses souv’nirs avaient fondu
faudrait lui jeter un rasoir
pour qu’elle s’taillade ses poignets nus
c’est bien qu’la vie soit provisoire
allez la vieille au rebut
un ticket pour le purgatoire
mais qui est ce vieil homme chenu
que j’vois au bout dans le miroir
c’est moi c’est ma peau j’y suis v’nu
j’suis tout droit dans la trajectoire
d’l’arrière pays vermoulu
y’a pas une p’tite échappatoire
jeudi 28 octobre 1982