FEMME D’EBENE
Tends-moi les mains femme d’ébène
et fais revivre tes joues froides
où est ton coeur
où est ton corps
derrière les palmes du village
avec les rythmes de l’ancêtre
sur les genoux du guérisseur
ou dans la vase du sommeil
le drap froissé des fleuves sales
qui te balancent dans un rêve
aux vagues souffles de pluies tièdes
femme dansée
la peau tendue comme un tam-tam
femme frappée
la bouche ivoire mordant la nuit
femme chantée
la gorge rauque des messages
femme cachée
la cave humide des massacres
femme blessée
la tête folle des espoirs
femme d’ébène au front de marbre
où je me casserai les doigts
ton coeur est là
ton corps est là
comme une fête dans mon ventre
comme un orage sous ma peau
comme une lampe sur mes yeux
ton nom est là comme une ville
et pour l’enseigne des mémoires
je te ferai des boucles d’eau
je te ferai des boucles d’or
14 avril 1974